Le mondial et moi
Mon premier mondial, ou le souvenir que j’ai gardé du premier mondial de mon enfance est celui de l’Espagne 82, parmi les vagues souvenirs que j’en ai gardé celui de la voix d’un speaker belge francophone (et oui il faut bien croire que les commentaires étaient en français bien avant l’invasion de Al jazeera sport ou plutôt bein sport pour être politiquement correct) qui parlai de la tête de Maradona, des dribles de Paulo Rossi et du gardien italien le géant Dino Zoff ; cette année là c’était l’Italie qui avait gagné la coupe du monde, et j’avais à l’époque 11 ans ….
Trente deux ans plutard, Au Brésil cette fois, la coupe du monde tient toutes ses promesses, les 32 nations participantes croisent le fer pour gagner les billets de qualification pour les tours suivants, les joueurs (les bons et les moins bons) tentent de donner le meilleur d’eux pour faire gagner leurs équipes , mouillent tant bien que mal leurs maillots très souvent teintés des couleurs de leurs drapeaux nationaux, sur fond de leurs hymnes nationaux, faisant croire beaucoup plus à une confrontation entre deux nations ennemies qu’à un simple match de football censé justement rapprocher les peuples….
A 43 ans, je n’ai pas encore compris cela, je continue à regarder les matchs du mondial en espérant que certaines équipes soient éliminées du 1er tour, la France par exemple parce ce que je n’aime pas la tête (gueule) de Benzema, le Portugal aussi car Ronaldo a une grande gueule et Pepe est un voyou, le Brésil parce que je n’aime pas la suprématie, l’Espagne à cause du Real de Madrid, l’Algérie à cause de Bougherra à qui je trouve une tête fort antipathique abstraction faite de l’allergie que j’ai pour Bouteflika, la Russie de Poutine….. Ma liste est longue et n’est malheureusement pas exhaustive. A l’exception de quelques équipes dont j’ai de la sympathie : Angleterre, Italie, Australie, la Croatie, les Pays Bas, le Ghana, l’Uruguay et la cote d’ivoire, je pense que je serais content de les voir plier bagages dès le 1er tour. Quand ce mondial sera fini dans 2 semaines, et que le Brésil ne gagnera pas, je reviendrais à mes occupations quotidiennes, mon travail, ma femme et mes enfants. Mais je ne trouverais pas contre qui exprimer, mon insuffisance, ma frustration et ma haine. Dans la vie de tout les jours je passe mon temps à critiquer les autres, à chercher leurs vilains défauts, à regarder de très près la moitié vide de leurs coupes : l’un parle trop et avare, l’autre généreux mais très peu bavard, les uns hypocrites et lâches, les autres ivrognes ou coureurs de jupons, les meilleurs sont soit cons, corruptibles ou du moins sont matés par leurs femmes…. Le meilleur de tous c’est moi, oui moi aucun défaut, aucun tendon d’Achille, pas la moindre tache sur mes habits éclatant de blancheur, aucun ami ne fait mon affaire, personne n’est à ma hauteur et donc je reste seul, très seul même, et je crève de solitude, je deviens paranoïaque, j’en deviens fou.
Le foot est mon exutoire. Le mondial n’est que le miroir qui m’envoie mon vrai visage, sans manières ni maquillage. Le foot est l’exorciste de mes fonds insondables fourmillant de colère et de rage. Parce que la vérité c’est que je suis incapable d’accepter les autres, incapable d’assimiler leurs différences, impuissant d’éprouver la moindre empathie envers ceux qui ont en besoin, je dois sans doute faire partie de ceux qui ne peuvent offrir le sourire, offrir l’amour. Premières victimes vraisemblablement du feu qui ronge leurs entrailles.
Le mondial, malgré toutes les critiques que l’on peut formuler à l’égard de ces milliards gaspillés alors qu’il ya des millions de bouches affamées, a le mérite de rassembler, de rapprocher et d’unifier, le temps de quelques semaines, des millions d’esprits même les plus tordus comme le mien.